Journal International de Médecine 29 janvier 2008 :

Grâce à la France, les pays totalitaires peuvent dormir tranquilles !

Publié le 29/01/2008



Paris, le mardi 29 janvier 2008 – L’immédiateté du geste ne laisse guère de doute sur le temps qu’il aura fallu au président de la République bulgare, Guéorgui Parvanov, pour décider de gracier les cinq infirmières bulgares et le médecin d’origine palestinienne naturalisé bulgare ramenés au petit matin du 24 juillet dans l’avion présidentiel français. Pourtant, officiellement, le pouvoir libyen n’avait accepté la libération de ses otages que pour qu’ils achèvent leur peine (et leur vie) dans les prisons de leur pays. Guéorgui Parvanon ne se préoccupa pas longtemps de ces concessions hypocrites et ne permit pas que ses six ressortissants passent une nuit de plus derrière les barreaux.

Violations des principes fondamentaux de la justice
Ce serait sans doute céder à une trop grande facilité que de comparer sans nuance l’affaire des infirmières bulgares à celle de l’Arche de Zoé. Pourtant, au vu des violations flagrantes des droits fondamentaux de la justice lors du procès tchadien, sans doute Nicolas Sarkozy se serait-il illustré en offrant la liberté aux six humanitaires, quitte à s’en remettre à l’ouverture d’une véritable enquête, en France. Il n’en fut rien.

Les droits de l’homme ne sont pas universels
L’espoir de voir l’omniprésent Président de la République entendre leurs appels s’étant à peu près évanoui, les familles des six condamnés conservaient la faible espérance que la justice française s’élèverait contre les graves vices de procédure observés au Tchad. Interrogée par le JIM le 17 janvier dernier, Tonia Van Winkelberg, épouse du docteur Philippe Van Winkelberg, non membre de l’association, mais mandaté par elle en sa qualité de médecin, commentait : « Il paraît qu’en France, la justice est séparée de l’état. Si elle l’est véritablement, alors je pourrais garder espoir, parce qu’une vraie justice ne peut cautionner un jugement contraire aux droits de l’homme, bourré de vices de formes ». Notre justice aura pourtant estimé une nouvelle fois qu’elle n’avait pas « le pouvoir de rejuger les faits, d’apprécier la culpabilité des condamnés ou l’opportunité des sanctions prononcées ». Il a même été rappelé que le Tchad n’étant pas signataire de la convention européenne des droits de l’homme, la France ne pouvait « imposer ses règles » ; des règles dont on apprend donc qu’elles ne sont pas universelles !

« Passeport pour l’horreur »
Les juges français auront donc refusé de reconnaître que les droits de la défense ont été bafoués, comme s’en scandalisaient plusieurs avocats. Déjà, le 13 janvier dernier, dans le Journal du Dimanche, Olivier Desandre-Navarre, conseil de Dominique Aubry remarquait à titre d’exemple : « Le principe d’individualisation de la peine est l’une des bases du droit français » ; un principe pourtant totalement ignoré au Tchad où les six Français ont écopé de la même peine. Au Tchad même, l’absence de pertinence de la condamnation est remarquée. L’avocat tchadien des membres de l’Arche de Zoé, Jean-Bernard Padaré, affirmait ainsi dans ce même numéro du Journal du Dimanche : « Ici (…) tout le monde est (…) conscient que tous n’avaient pas le même degré de responsabilité dans l’affaire ». Sur le site internet « Afrik.com » qui se présente comme le portail de l’Afrique et du Maghreb, les irrégularités du procès sont également remarquées depuis plusieurs semaines. Un député tchadien opposé à Idris Deby, Ngarlejy Yorongar avait notamment épinglé le 31 décembre plusieurs vices de formes, tel le fait que les prévenus ont été auditionnés sans réquisitions préalables. Mais plutôt que d’entendre les voix qui s’élevaient en France comme en Afrique contre une comédie de justice, les juges français ont appliqué aveuglément la convention franco-tchadienne. Pour Gilbert Collard, avocat d’Eric Breteau et d’Emilie Lelouch, la France a choisi de « donner un passeport pour l’horreur, puisque si on n’a pas signé une convention, on le droit de la violer ! ».

Inquiétude pour Philippe Van Winkelberg et Nadia Merimi
Entendues sur toutes les radios et sur toutes les chaînes de télévision, les réactions des familles ont été particulièrement vives à l’énoncé de la décision du tribunal de Créteil qui a transformé les huit années de travaux forcés en huit ans de prison. Un appel contre cette décision et une demande de grâce au président tchadien sont aujourd’hui les deux premiers recours envisagés par les condamnés. Membre du comité de soutien du docteur Philippe Van Winkelberg, l’infirmière Nathalie Blanc a fait part hier de sa grande tristesse, tandis que le maire de Castellane où exerce le praticien a évoqué « une mascarade ». La famille de l’infirmière Nadia Merimi a également fait part de son inquiétude quant à l’état de santé de la jeune femme, qui n’a pas comparu à l’audience hier. Selon le journaliste de M6 Marc Garmirian de l’agence Capa, les deux soignants et notamment l’infirmière n’ont pas caché certains de leurs doutes face à l’action de l’association.